Inktober J17 – la révélation du pendule

Sur la partie la plus haute de son pendule, une inscription. Ça l’avait attiré tout de suite comme un aimant.

Dans cette brocante improvisée du jour des voisins, elle était arrivée sur le stand de sa voisine Toinette. 

Depuis presque deux ans, elles ne s’étaient jamais parlées. Toinette était à la retraite et ne sortait guère. Quelques bonjours échangés, rien de plus. 

Mais aujourd’hui, elle semblait très joviale et guillerette. Son petit fils l’avait aidé à faire un grand tri dans sa maison. Elle disait se sentir libérée. 

Sur son stand, des objets vintages disparates : tourne-disque, radio à lampes, téléviseur à bouton, cafetière à piston ou boules de rampe s’associaient avec des bijoux et des vêtements féminins sur un portant. 

Logé au fond d’un coffret avec quelques bagues, il était là. Elle le sortit délicatement à bout de doigts.

— C’était à ma grand-mère, me dit-elle d’un ton assez détaché. Je l’ai très peu connue. Elle était beaucoup sur la routes avec son mari. J’ai gardé tout un tas de choses à la mort de ma mère mais finalement je n’y ai jamais retouché. Ce sont des vieilleries !

— Que faisait-elle sur les routes votre grand-mère ? osait-elle demander. 

— Elle était dans le spectacle itinérant. Rien qui soit pratique quand on doit élever une famille ! Ma mère en a beaucoup souffert. Du coup elle a toujours vécu ici. Et moi aussi. Ailleurs l’herbe n’est pas plus verte !

— Oui c’est sûr, dit-elle machinalement. 

De ce moment, plus rien n’avait d’importance. Elle ne voyait que lui. C’est comme s’il l’appelait. Elle n’en avait jamais utilisé, mais avait toujours voulu en avoir un, sans vraiment savoir pourquoi. 

— Je vous le prend. À combien vous le faites ?

— Oh, allez, 2€ pour ce pendentif bizarre. 

Un peu bouche bée, elle avait donné sa pièce et s’était empressée de rentrer chez elle.

Une fois dans son salon, elle avait sorti une carte routière de France un peu défraîchie. Machinalement, elle avait suspendu son pendule au dessus. Il s’était stabilisé rapidement. Elle parcourait lentement les différentes zones. Jusqu’à ce que le pendule se mette à bouger. Pas juste un peu, mais de façon très nette !

Pour être sûre de ne pas avoir rêvé ou incité ce mouvement, elle recommença, bien concentrée à ne pas bouger.

Au même endroit, le pendule se mettait en mouvement.

Elle ne connaissait absolument pas cette région. Ce premier test mettait sa curiosité en effervescence.

Elle ouvrit son placard de bureau et en ressortit la liste des verbes d’action que lui avait donné l’agence pour l’emploi. 

Elle positionna son pendule au-dessus de la feuille, le stabilisant, et parcouru la liste très lentement.

Il s’activa sur le mot vivre. Pas sur visiter ! Sur VIVRE. Elle était de plus en plus intriguée. Pour être sure, elle refaisait un tour. Le pendule s’agita au-dessus du verbe GUÉRIR puis RELIER. Elle reparcouru la liste dans tous les sens. VIVRE, GUÉRIR et RELIER.  

Elle était poussée par un élan intérieur puissant. 

Sur Internet, elle vérifia le département que le pendule avait indiqué et décida aussitôt de réserver un billet d’avion pour s’y rendre. 

Il y avait un vol le lendemain matin, elle se sentait comme sur le point de dénicher un trésor.

Elle pris une chambre dans un gîte isolé au milieu de la montagne et fila faire ses bagages. Quelque chose d’incroyable était en train de naître en elle… Et elle n’avait même pas peur.

Une fois couchée, la tête sur l’oreiller, elle posa délicatement son pendule sur sa table de nuit. Au moment de le quitter des yeux, il lui sembla qu’il pivotait sur lui-même.

Face à elle, ciselée, l’inscription ornait élégamment cet objet en metal doré. Elle résonnait comme une évidence : créons des aujourd’hui pour mieux vivre demain. Elle allait enfin arrêter d’attendre, et commencer à vivre.