Il y a des choses silencieuses qui se transmettent sans le savoir… et qui traversent les générations.
Elles sont inscrites inconsciemment, se révélant à nous quand on s’y attend le moins.
Voici donc l’histoire de Mélodie, en ce J2 du défi Inktober – De l’encre à la lettre, qui tisse du lien dans ce récit sous forme de nouvelle.
Bonne lecture.
TISSAGE / Weave
Il ne lui restait plus de fils… elle avait retourné tous les tiroirs, les armoires et les boîtes. Rien. Pas un petit bout.
Elle saisit la bouilloire posée sur le poêle et remis de l’eau dans son thé.
Après une bonne gorgée et une grande respiration, elle saisit un tabouret et y monta avec précaution. Elle empoigna la corde accrochée au plafond et tira dessus. Une trappe s’ouvrit dans un grincement vieillot. Un escalier pliant apparut qu’elle déploya lentement.
En haut, elle parcourut les combles dans la pénombre. Quel bazar ! Elle n’était pas montée depuis la mort de sa mère. Il y régnait une atmosphère poussiéreuse et gelée.
Dans un frisson, elle avança entre les cartons et les formes endrapées. Bibelots, photos, commode, guéridon… Des images de sa mère lui revenaient… elle la revoyait penchée sur son métier à tisser. Lui n’avait pas bougé de place dans la seule pièce de la maison. Elle entendait encore les froissements de la navette entre les fils. Qu’est-ce qu’elle était belle ainsi penchée sur son ouvrage, ses gestes précis aussi doux que mécaniques.
Elle sortit brusquement de sa rêverie quand sa tête heurta une lampe à gaz pendue à une poutre. Elle tourna le bouton et une lumière blanche diffuse éclaira la pièce.
Ses yeux mirent quelques instants pour s’habituer. Juste là, devant elle, trônait une malle. Son cœur s’était mis à battre plus vite. Elle balaya de sa main le cuir blanchi de poussière pour laisser apparaître Mélodie en lettres dorées. Elle avait totalement oublié cette malle ! Elle déverrouilla les deux fermoirs et ouvrit le couvercle.
À l’intérieur, un mini métier à tisser, des accessoires, des pochettes en tissus. Dans l’une d’elle, le premier mini tapis qu’elle avait réalisé enfant. Elle ne devait pas avoir plus de 3 ans. Dans une autre, un joli set de table aux couleurs de soleil. Un grand sourire sur les lèvres, elle allait refermer la malle quand une petite boîte attira son attention. Dessus était écrit au stylo : Isabella.
Elle en sortit une vieille photo pliée en 4. Ça devait être sa grand-mère qui posait à côté d’un métier à tisser. Sur ses genoux, une petite fille qui tenait un écriteau. En s’approchant de la lampe, elle pu déchiffrer : Médaille de l’excellence – Concours national d’artisanat – 1937. Elle n’en revenait pas.
Sur le métier à tisser, une marque gravée qu’elle connaissait bien. Elle était identique à celui d’en bas.
Elle jetait de nouveau un coût d’œil dans la petite boîte et y découvrit des fils de coton sagement noués. Juste ce qu’elle cherchait pour finir son ouvrage !
Elle remit le tout dans la boîte et redescendit en la tenant fermement.
Arrivée devant son métier, elle y posa la boîte qui tomba aussitôt au sol, derrière le pédalier. Elle s’agenouilla pour la récupérer.
Au moment de se redresser, son regard se posa sur le pan transversal. Des mots étaient gravés, visiblement à main levé :
Madeleine 1797 – Rosemonde 1867 – Isabella 1937 – Mélodie …
Elle fut prise d’une émotion intense… depuis 3 générations, les femmes de sa famille gagnaient ce prix d’excellence. Elle n’en savait rien ! Mais elle comprit à cet instant pourquoi il était si primordial pour elle de finir cette tenture… ce concours, elle s’y était inscrite il y 6 mois, sans connaître ce passé glorieux. Et il avait lieu dans 3 semaines… Il ne lui manquait plus qu’un détail pour la terminer. Et cette boîte pleine de souvenirs venait de lui redonner espoir.
AMe
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